Hildegarde de Bingen - Canticles Of Ecstasy (4,68/5)

01O vis aeternitatisHildegard Von Bingen*****

Symphoniae à Marie

02Nunc aperuit nobisHildegard Von Bingen*****
03
Quia ergo femina mortem instruxit 
Hildegard Von Bingen ****
04
Cum processit factura digiti Dei
Hildegard Von Bingen
*****
05
Alma Redemptoris Mater
Anonyme ****
06
Ave Maria, O auctrix vite 
Hildegard Von Bingen
*****

Symphoniae à l’Esprit

L’esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu (1 Corinthiens : 2/10)

07Spiritus Sanctus vivificans viteHildegard Von Bingen ****
08
O ignis spiritus Paracliti 
Hildegard Von Bingen*****
09 
Caritas habundat in omnia
Hildegard Von Bingen
*****

Symphoniae à Marie

10O virga mediatrixHildegard Von Bingen*****
11
O viridissima virga, Ave
Hildegard Von Bingen*****
12
Instrumental Piece
Hildegard Von Bingen
 ****
13
O Pastor Animarum
Hildegard Von Bingen*****
14
O tu suavissima virga
Hildegard Von Bingen
*****

 Communauté ecclésiastique

15O choruscans stellarum Hildegard Von Bingen ****
16 
O noblissima viriditas
Hildegard Von Bingen*****

            Dans un siècle d’épanouissement des arts et de la pensée, les compositions sacrales de Hildegarde de Bingen représentent un sommet de création individuelle. Le 12ème siècle est souvent considéré comme le témoin d’une « renaissance » au sens d’une vaste éclosion culturelle, qui provient en grande partie de l’exceptionnel épanouissement intellectuel philosophique et esthétique des arts monastiques de cette époque. L’apport simultané d’un renouveau théologique, d’une économie prospère et de profondes innovations sociales influença la vie des monastères et explique en partie l’exceptionnelle production musicale et littéraire de Hildegarde de Bingen et de certains parmi ses contemporains. A huit ans, elle fut confiée aux Bénédictines, d’abord dans le monastère « double » (hommes et femmes) de Disibodenberg, à l’ouest du Rhin, puis, au faîte de son énergie, elle fonda sa propre communauté de Rupertsberg sur le Rhin près de Bingen. Son autorité, son rayonnement et sa productivité artistique se déployèrent avec son rôle de Mère supérieure. Entre 1151 et 1158, elle écrivit et compila ses compositions musicales destinées à être chantées par les sœurs du couvent lors de cérémonies liturgiques ou autres. Elle les appela symphoniae harmoniae celestium revelationum, un titre qui indique à la fois qu’elles sont d’inspiration divine, et que la musique est la forme la plus élevée de toute activité humaine, miroir des harmonies des sphères célèstes et des choeurs angéliques. Pendant cette même période elle entretenait une vaste correspondance avec de grands personnages ecclésiastiques et séculiers, et se consacra à la compilation de travaux encyclopédiques sur les sciences naturelles et les arts de la guérison.

            De nos jours encore cette « Sybille du Rhin » étonne ceux qui ont les dispositions pour l’écouter. « Il est dit que serez élevée au ciel, que bien des choses vous seront révélées, et que vous écrirez de grandes œuvres et découvrirez des chants nouveaux… » lui écrivit Maître Odo de Paris en 1148. La renommée d’Hildegarde reposait sur la hardiesse avec laquelle elle explora le cosmos selon sa propre vision, créant ainsi une émouvante théologie féminine – qui néanmoins respecte les puissances divines masculines aussi bien que féminines. Son engagement dans la vie réelle et le monde politique est aussi impressionnant que son total dévouement à la vie spirituelle, qu’elle enseignait à ses sœurs au couvent.

01O vis aeternitatisHildegard Von Bingen*****

                    Dans le manuscrit de Wiesbaden, écrit dans son scriptorium à Rupertsberg, cette composition se trouve en début du recueil des symphonia. Il s’agit d’une pièce monumentale, qui trouve son architecture de profunda altitudine (ce sont ses propres termes : altitude profonde) notamment dans la forme du répons : les parties sont chantées alternativement en solo et par le choeur. Hildegarde a choisi le mode de mi « indirect » et « secret » pour décrire les mystères qu’elle eut l’audace d’approcher. La distribution musicale que nous avons choisie voudrait  montrer la profonde symphonia (harmonie cosmique), appropriée aux thèmes universels d’incarnation et de souffrance décrits par Hildegarde.

Symphoniae à Marie

            Dans le manuscrit de Wiesbaden, ces trois pièces forment une trilogie thématique.

02Nunc aperuit nobisHildegard Von Bingen*****

             La première est composée sur le mode d’ut que Hildegarde réserve habituellement aux passages très intenses et significatifs (par exemple aux passages chantés par Victoria dans Ordo Virtutum). Elle proclame dans cette pièce que « la porte s’est maintenant ouverte ! » : il s’agit de la « porte des mystères » décrite dans Isaïe 60:10. La porte close est le principe féminin qui vécut dans l’ombre du péché originel de l’homme et de la femme au paradis. L’idée d’une malédiction levée est ainsi transmise avec beaucoup d’intensité.

03Quia ergo femina mortem instruxit Hildegard Von Bingen****

           Quia ergo femina morte instruxit poursuit la pensée exprimée dans la première pièce, avec un contraste dans les modes et le message : le mode de mi est doux et varié, aussi intime et féminin que le texte (dulcissisma et beata virgine : vierge gracieuse et bénie), et montre que cette qualité est, pour Hildegarde, unique dans la feminea forma (forme féminine).

04Cum processit factura digiti DeiHildegard Von Bingen*****

             Cum processit factura digiti Dei complète la trilogie avec des figures composées sur un monde de mi plaintif, semblables à celles utilisées non seulement dans Ordo Virtutum, mais dans toute lamentation sur la tragédie de la vie humaine. Vers le milieu de la pièce, dans la contemplation de la musique cosmique qui entoure la vierge divine, ce même mode de mi lugubre se révèle infiniment harmonieux. Le prélude instrumental est basé sur la rhétorique des poèmes ; il utilise des motifs dérivés des mots femina, feminea, Maria, virgo et le vaste mélisme sur sonante comme dans Quia ergo et Cum processit.

05Alma Redemptoris MaterAnonyme****

            La première pièce – qui  n’est pas de Hildegarde – est l’un des quatres antiphones marials chantés à l’origine pendant l’office, puis plus fréquemment comme une pièce indépendante. On suppose qu’elle fut écrite au 10ème siècle. Le mode de fa caractérise la joie débordante de cet antiphone : il est perçu dans le système modal comme un mode audacieusement triadique et ouvert.

06Ave Maria, O auctrix vite Hildegard Von Bingen*****

            Le Ave Mario, O auctrix vite de Hildegarde fut de toute évidence composé sous forme d’ornement littéraire et musical sur Alma Redemptoris Mater. C’est une fois de plus par la forme du répons qu’elle construit ici une longue histoire narrative de la Vierge victorieuse. La disposition musicale évoque la femme céleste entourée d’étoiles, de planètes et de sphères mouvantes.

Symphoniae à l’Esprit

L’esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu (1 Corinthiens : 2/10)

07Spiritus Sanctus vivificans viteHildegard Von Bingen****

           Un changement significatif est atteint avec l’apparition du mode de ré. L’effet de contraste entre le mode de mi et celui de ré se retrouve tout au long de l’opus de Hildegarde ; il culmine dans Ordo Virtutum. Le mode de ré représente traditionnellement la source et l’origine (fons et origo) de tous les modes. Sa teneur émotionnelle est noble et grave, mais s’adapte aux nuances expressives de toutes poésies. Ce texte très succinct et puissant fait comprendre que l’Esprit est source et origine de toute vie (« vie qui donne la vie »).

08O ignis spiritus Paracliti Hildegard Von Bingen*****

            O ignis spiritus Paracliti est l’une des neuf sequentiae du recueil de Hildegarde. Une fois de plus, plutôt que de suivre le modèle classique des répétitions mélodiques (aa, bb, cc, etc.), Hildegarde a choisi une autre disposition, qui témoigne d’une maîtrise exceptionnelle de la variation. Elle improvise librement sur les thèmes lors de leur répétition, la richesse de son texte pouvant alors accentuer soit la consonnance soit la dissonance.

09 Caritas habundat in omniaHildegard Von Bingen*****

            La troisième pièce de ce trio, Caritas habundat in omnia (la sœur jumelle de Spiritus Sanctus) parle de Caritas, cette figure merveilleusement complexe développée dans l’opus de Hildegarde ; à la fois la bien aimée du Cantique des Cantiques, la Sagesse Divine et la Charité du nouveau testament. Elle est le personnage principal d’une vision dans le cycle Liber vitae meritorum (Livre des mérites de la vie), où elle dit « Je suis en l’air ; je nourris toute vie en croissance et en maturation… Je connais chaque souffle de l’Esprit…, ainsi je déverse des fleuves limpides. » L’utilisation plus coulante, plus mélismatique du mode de ré (qu’elle colorie de différentes façons) stimule cette signification particulière de l’Amour en tant qu’âme du monde.

Symphoniae à Marie

            Comme de nombreux poètes médiévaux, Hildegarde utilise des images de la nature pour éveiller un désir « naturel » du divin, désir portant en lui des échos du Paradis et qui cherche l’union avec le bien aimé divin. Ici, certaines pièces sont empreintes de son don de visionnaire tout en restant fondées sur les éléments de ce monde.

10O virga mediatrixHildegard Von Bingen*****

              Chacune des chansons mariales s’adresse à la Vierge comme virga (rameau), et plus tard flos (fleur). Elle est virga mediatrix – le « rameau médiateur » – et pulcher flos, la « fleur gracieuse ». Reprenant le ton de l’Alleluia initial, cette pièce atteint dans la tessiture du mode de mi une apogée d’extase avec la contemplation de la part la plus intime, source de vie, de Marie : viscera (entrailles).

11O viridissima virga, AveHildegard Von Bingen*****

            O viridissima virga (O jeune rameau), considérée comme l’une des plus belles pièces de Hildegarde, est composée sur le mode de sol. Ce mode est associé à la jeunesse et au mouvement ascendant ; on dit qu’il ravive l’esprit, puisqu’il reflète les perfections du Paradis avant la chute : transcendit labores et erumnas (il surpasse toutes peines et tribulations d’ici-bas). Les enchaînements de paroles séculières évoluent devant nous comme dans une danse sacrée, leur signification étant intensifiée par d’habiles juxtapositions et variations musicales. Ce caractère de danse sacrale a pu être reproduit grâce à l’enregistrement dans une nef d’église, et avec l’addition d’une pièce instrumentale dans le même mode.

12 Instrumental PieceHildegard Von Bingen****
13O Pastor AnimarumHildegard Von Bingen*****

             Une prière pastorale, O Pastor animarum interrompt ces évocations d’un monde de l’abondance naturelle par l’invocation de son protecteur divin. Le monde crée a besoin d’un Pasteur du monde, et c’est avec la candeur d’un agneau que Hildegarde se sert du mode primaire de ré et d’un texte profondément sincère pour s’adresser à Lui.

14O tu suavissima virgaHildegard Von Bingen*****

            La Vierge est maintenant un « rameau très doux » (O tu suavissima virga) dont la fleur est rayonnante (clarus flos), probablement au sens de « faite de lumière ». La diminution du second ton donne ici au mode de ré la couleur mystique du mode de mi. La qualité visionnaire du poème se reflète dans une musique d’une beauté transcendante pour illustrer le miracle de la matérialisation de l’esprit.

Communauté ecclésiastique

            Ecclesia (en grec) est le lieu où l’homme reçoit l’esprit, que ce soit dans un temple ou dans son coeur ; le terme est donc synonyme du synagoga hébreux.

15O choruscans stellarum Hildegard Von Bingen****

          Sur un mode de ré qui traduit l’exaltation, ce chant fait l’éloge de la figure féminine Ecclesia, en la comparant à certaines images apocalyptiques.

16 O noblissima viriditasHildegard Von Bingen*****

            Dans la deuxième pièce, la virga mariale (rameau) devient virgo (la vierge) et exalte des assemblées de vierges. Dans les sociétés traditionnelles, une vierge n’était pas nécessairement une femme n’ayant jamais connu d’homme, mais une femme qui s’est donnée corps et âme à l’Esprit et qui, en collectivité, a observé les liturgies de l’oracle, du temple, de l’église ou du monastère, donnant par cette obédience un ancrage spirituel féminin à une dynastie temporelle. Cette composition extraordinaire sur le mode d’ut marque une progression dans les nuances de rouge par l’image et l’intensité musicale (rubes, ardes, flammis). Ailleurs, Hildegarde avait écrit que les dons de l’esprit deviennent de plus en plus rouges dans l’âme, dont la nature rouge-feu originelle s’intensifie avec chaque expérience.

 

                                                                                                               Barbara Thornton, carton original CD.

01O vis aeternitatisHildegard Von Bingen*****

Responsorium                                                                                                                                   Répons

O vis aeternitatis                                                                                                                             O puissance de l’éternité,                              

que omnia ordinasti in corde tuo,                                                                                               qui ordonna toute chose en ton coeur :

per Verbum tuum omnia creata sunt                                                                                          par ta parole toute chose fut créee

sicut voluisti,                                                                                                                                     selon ta volonté,

et ipsum Verbum tuum                                                                                                                  et ta parole elle-même

induit carnem                                                                                                                                   s’est faite chair

in formatione illa                                                                                                                             en cette forme

que educta est de Adam                                                                                                                 issue d’Adam.

Et sic indumenta ipsius                                                                                                                  Ainsi ses vêtements furent

a maximo dolore                                                                                                                              lavés d’une peine

abstersa sunt.                                                                                                                                   Infinie.

O quam magna est benignitas Salvatoris                                                                                   Qu’elle est grande, la bonté du Sauveur

qui omnia liberavit                                                                                                                          qui délivra toute choses

per incarnationem suam,                                                                                                               par son incarnation,

quam divinitas exspiravit                                                                                                             exhalé par la divinité,

sine vinculo peccati.                                                                                                                      Sans le joug du péché.

Et sic indumenta ipsius                                                                                                                  Ainsi ses vêtements furent

a maximo dolore                                                                                                                              lavés d’une peine

abstersa sunt.                                                                                                                                   Infinie.

Gloria Patri et Filio                                                                                                                           Gloire au Père et au Fils

et Spiritui sancto.                                                                                                                            Et au Saint Esprit !

Et sic indumenta ipsius                                                                                                                 Ainsi ses vêtements furent

a maximo dolore                                                                                                                              lavés d’une peine

abstersa sunt.                                                                                                                                   Infinie.

 

Symphoniae à Marie

02Nunc aperuit nobisHildegard Von Bingen*****

Antiphon (de Sancta Maria)                                                                                                              Antiphone (De la Vierge bénie)

Nunc aperuit nobis                                                                                                                          Maintenant une porte

clausa porta                                                                                                                                      longtemps fermée nous a montré

quod serpens in muliere suffocavit,                                                                                             ce que le serpent engorgea dans la femme,

unde lucet in aurora                                                                                                                        et elle brille radieuse dans l’aube

flos de Virgine Maria.                                                                                                                     La fleur de la vierge Marie

 

03Quia ergo femina mortem instruxit Hildegard Von Bingen****

Antiphon (de Sancta Maria)                                                                                          Antiphone (De la vierge bénie)

Quia ergo femina mortem instruxit,                                                                          Alors que la mort fut instaurée par une femme,

clara virgo illam interemit,                                                                                            une vierge illustre l’assujettit,

et ideo est summa benedictio                                                                                       c’est pourquoi la grâce extrème

in feminea forma                                                                                                            se trouve dans la forme féminine

pre omni creatura,                                                                                                         plutôt que dans toute autre créature.

quia Deus factus est homo                                                                                            Car Dieu s’est fait humain

in dulcissima et beata virgine.                                                                                    Dans une vierge gracieuse et bénie.

 

04Cum processit factura digiti DeiHildegard Von Bingen*****

Antiphon (de Sancta Maria)                                                                                          Antiphone (De la vierge bénie)

Cum processit factura digiti Dei,                                                                                Lorsque la création issue de la main de Dieu,

formata ad imaginem Dei                                                                                              faite à l’image de Dieu,

in ortu mixti sanguinis                                                                                                    issue d’un sang mêlé,

per peregrinationem casus Ade,                                                                                  avançait sur le chemin du pélerinage de la

elementa susceperunt                                                                                                    chute d’Adam, alors les éléments reçurent

gaudia in te,                                                                                                                     les joies vitales en toi,

o laudabilis Maria,                                                                                                          O Marie, digne de louanges,

celo rutilante                                                                                                                    et le ciel rougissant

et in laudibus sonante.                                                                                                   Résonne de tes louanges.

 

05Alma Redemptoris MaterAnonyme****

Antiphon                                                                                                                           Antiphone, 10ème siècle, Anon.

Alma Redemptoris Mater,                                                                                             Douce mère du rédempteur,

quae pervia caeli porta manes,                                                                                     toi qui seras toujours la porte ouverte des cieux

et stella maris,                                                                                                                  et l’étoile des mers ;

succurre cadenti                                                                                                              viens au secours d’un peuple déchu

surgere qui curat populo                                                                                                qui lutte pour se relever.

Tu quae genuisti, natura mirante,                                                                                Toi qui donnas naissance

tuum sanctum Genitorem :                                                                                          devant la nature émerveillée

virgo prius ac posterius,                                                                                                  à ton saint Créateur.

Gabrielis ab ore sumens illud Ave,                                                                              O Vierge avant et après qui reçus l’Ave

peccatorum miserere.                                                                                                    Des lèvres de Gabriel : aie pitié des pécheurs.

 

06Ave Maria, O auctrix vite Hildegard Von Bingen*****

Responsorium (de Sancta Maria)                                                                                    Répons (De la vierge bénie)

Ave Maria,                                                                                                                      Je te salue, Marie,

o auctrix vite,                                                                                                                 source de vie

reedificanda salutem,                                                                                                     toi qui réinstauras la grâce,

que mortem conturbasti,                                                                                               tu as ébranlé la mort

et serpentem contrivisti,                                                                                                et foulé au pied le serpent

ad quem se Eva erexit                                                                                                    vers lequel Eve s’était haussée

erecta cervice                                                                                                                    la tête haute,

cum sufflatu superbie.                                                                                                    Enflée de fierté.

Hunc conculcasti                                                                                                             Tu piétinas ce serpent

dum de celo Filium Dei genuisti :                                                                                 en donnant naissance au Fils du Dieu du ciel

Quem inspiravit                                                                                                                que l’Esprit

Spiritus Dei.                                                                                                                       De Dieu t’a insufflé.

O dulcissima                                                                                                                     O mère adorable et tendre,

atque amantissima mater, salve,                                                                                   je vous salue,

que natum tuum de celo missum                                                                                 qui donna au monde

mundo edidisti :                                                                                                               ton fils envoyé du ciel

Quem inspiravit                                                                                                                que l’Esprit

Spiritus Dei.                                                                                                                      De Dieu t’a insufflé

Gloria Patri et Filio                                                                                                           Gloire au Père et au Fils

et Spiritui sancto.                                                                                                             Et au Saint-Esprit

Quem inspiravit                                                                                                                que l’Esprit

Spiritus Dei.                                                                                                                       De Dieu t’a insufflé.

 

Symphoniae à l’Esprit

L’esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu (1 Corinthiens : 2/10)

07Spiritus Sanctus vivificans viteHildegard Von Bingen****

Antiphon (de Spiritu Sancto)                                                                                        Antiphone (Du Saint-Esprit)

Spiritus sanctus vivificans vita,                                                                                    Le Saint-Esprit, vie qui donne la vie

movens omnia,                                                                                                                 qui transforme toute chose,

et radix est in omni creatura                                                                                        racine de toute création,

ac omnia de inmunditia abluit,                                                                                   il ôta l’impureté de toute chose,

tergens crimina,                                                                                                                lavant les péchés

ac ungit vulnera,                                                                                                               et procurant du baume aux blessures :

et sic est fulgens ac laudabilis vita,                                                                             il est la vie radieuse et digne de louange,

suscitans et resuscitans                                                                                                  éveillant et réveillant

omnia.                                                                                                                               Toute chose.

 

08O ignis spiritus Paracliti Hildegard Von Bingen*****

Sequenz (de Spiritu Sancto)                                                                                           Séquence (Du Saint-Esprit)

O ignis Spiritus Paracliti,                                                                                                O feu du Paraclet consolateur,

vita vite omnis creature,                                                                                                vie de la vie de toute créature :

sanctus es vivificando formas.                                                                                    Tu es saint, qui donne la vie aux formes.

Sanctus es ungendo                                                                                                         Tu es saint, qui soulage

periculose fractos,                                                                                                            les grands blessés,

sanctus es tergendo                                                                                                        tu es saint, qui purifie

fetida vulnera.                                                                                                                    Les blessures fétides.

O spiraculum sanctitatis,                                                                                               O souffle de sainteté,

o ignis caritatis,                                                                                                                feu de charité,

o dulcis gustus in pectoribus                                                                                         douceur qui s’installe dans les corps

et infusio cordium                                                                                                           infusée dan les coeurs

in bono odore virutum.                                                                                                  Dans le parfum de toutes les vertus

O fons purissime,                                                                                                             O fontaine des plus claires,

in quo consideratur                                                                                                          qui montre comment

quod Deus alienos colligit                                                                                              Dieu rassemble ceux qui errent

et perditos requirit.                                                                                                          Et cherche ceux qui sont égarés.

O lorica vite                                                                                                                       O bouclier de la vie

et spes compaginis membrorum omnium                                                                  espoir d’union de tous les membres

et o cingulum honestatis :                                                                                             Toi, ceinture de la vertu :

salva beatos.                                                                                                                    Sauve les bienheureux.

Custodi eos qui carcerati sunt                                                                                      Garde ceux que l’ennemi enchaîna,

ab inimico,                                                                                                                        délivre les asservis,

et solve ligatos                                                                                                                  que la puissance divine

quos divina vis salvare vult.                                                                                          Choisit de sauver.

O iter fortissimum,                                                                                                         O voie puissante,

quod penetravit omnia                                                                                                   pénétrant en tous lieux,

in altissimis et in terrenis                                                                                                dans le haut des cieux et sur terre

et in omnibus abyssis,                                                                                                     et jusque dans les abîmes :

tu omnes componis et colligis.                                                                                      Tu réunis et rassembles tous.

De te nubes fluunt, ether volat,                                                                                   Tu fais flotter les nuages et voler les airs

lapides humorem habent,                                                                                             tu fais que les rochers exhalent leurs vapeurs,

aque rivulos educunt,                                                                                                     que les sources se forment en ruisseaux

et erra viriditatem sudat.                                                                                              Et que la terre exsude la croissante verdure.

Tu etiam semper educis doctos                                                                                    Et toujours tu enseignes à ceux

per inspirationem Sapientie                                                                                          qui ont soif d’apprendre rendus heureux

letificatos.                                                                                                                        Par ta sagesse.

Unde laus tibi sit,                                                                                                          Loué sois-tu,

qui es sonus laud               is                                                                                         en qui résonnent les louanges

et gaudium vite,                                                                                                               et joie de la vie,

spes et honor fortissimus,                                                                                              espoir et honneur puissant,

dans premia lucis.                                                                                                           Qui prodigues les dons de la lumière.

 

09 Caritas habundat in omniaHildegard Von Bingen*****

Antiphon                                                                                                                                             Antiphone

Caritas                                                                                                                                                La charité

habundat in omnia,                                                                                                                         abonde en toute chose,

de imis excellentissima                                                                                                                  des profondeurs

super sidera                                                                                                                                      jusqu’au-dessus des astres,

atque amantissima                                                                                                                          aimant à l’infini toute chose

in omnia,                                                                                                                                          car au roi très-haut

quia summo regi osculum pacis                                                                                                   elle donna le baiser

dedit.                                                                                                                                                  De paix.

 

Symphoniae à Marie

10O virga mediatrixHildegard Von Bingen*****

Alleluia – Antiphon (de Sancta Maria)                                                                                          Alleluia – Anthiphone (De la Vierge bénie)

Alleluia !                                                                                                                                           Alleluia !

O virga mediatrix,                                                                                                                            Rameau médiateur :

sancta viscera tua                                                                                                                            ton sain corps

mortem superaverunt                                                                                                                    a vaincu la mort,

et venter tuus                                                                                                                                   ton sein

omnes creaturas illuminavit                                                                                                          a illuminé toute créature

in pulcro flore                                                                                                                                   en cette fleur gracieuse

de suavissima integritate                                                                                                                issue de la douceur intacte

clausi pudoris tui orto.                                                                                                                   De ton entière chasteté.

 

11O viridissima virga, AveHildegard Von Bingen*****

(de Sancta Maria)                                                                                                                De la Vierge bénie)

O viridissima virga, ave,                                                                                                  Je te salue, jeune rameau

que in ventoso flabro sciscitationis                                                                             qui poussa dans la tourmente

sanctorum prodisti.                                                                                                          De la quête des saints.

Cum venit tempus                                                                                                            Lorsque vint le temps

quod tu floruisti in ramis tuis,                                                                                       de l’épanouissement de tes rameaux,

ave, ave fuit tibi,                                                                                                               maintes fois tu fus saluée,

quia calor solis in te sudavit                                                                                          parce qu’en toi la chaleur du soleil exsudait

sicut odor balsami.                                                                                                          Comme le parfum d’un baume.

Nam in te floruit pulcher flos                                                                                        Car une belle fleur fleurissait en toi,

qui odorem dedit                                                                                                             qui donna son parfum

omnibus aromatibus                                                                                                       à toutes les herbes

que arida erant.                                                                                                               Qui étaient sèches,

Et illa apparuerunt omnia                                                                                              et celles-ci poussèrent

in viriditate plena.                                                                                                          Toutes verdoyantes.

Unde celi dederunt rorem super gramen                                                                  Puis les cieux prodiguèrent la rosée sur l’herbe

et omnis terra leta facta est,                                                                                         et la terre entière devint heureuse,

quoniam viscera ipsius frumentum protulerunt                                                      puisque ses entrailles produisaient de la semence

et quoniam volucres celi                                                                                                et que les oiseaux du ciel

nidos in ipsa habuerunt.                                                                                                Y firent leurs nids.

Deinde facta est esca hominibus                                                                                  Ainsi les hommes eurent de la nourriture

et gaudium magnum epulantium.                                                                               Et grande fut la joie de ceux qui mangèrent.

Unde, o suavis Virgo,                                                                                                      Depuis ce temps, o douce vierge,

in te non deficit ullum gaudium.                                                                                 Aucune joie ne manque en toi.

Hec omnia Eva contempsit.                                                                                           Tout cela, Eve le dédaigna.

Nunc autem laus sit Altissimo.                                                                                   Mais maintenant gloire soit au Très-Haut.

 

12 Instrumental PieceHildegard Von Bingen****
13O Pastor AnimarumHildegard Von Bingen*****

Antiphon                                                                                                         Antiphone

O pastor animarum                                                                                      Berger des âmes,

et o prima vox                                                                                               voix première

per quam omnes creati sumus,                                                                  par qui nous avons tous été créés,

nunc tibi, tibi placeat                                                                                    qu’il te plaise maintenant

ut digneris                                                                                                     de daigner

nos liberare de miseriis                                                                                nous délivrer de notre misère

et languoribus nostris.                                                                                  Et de nos faiblesses.

 

14O tu suavissima virgaHildegard Von Bingen*****

Responsorium (de Sancta Maria)                                                                                       Répons (De la vierge bénie)

O tu suavissima virga                                                                                                      Rameau très doux

frondens de stirpe lesse,                                                                                                verdissant au tronc d’Isaïe !

o quam magna virtus est                                                                                               quelle force merveilleuse

quod divinitas                                                                                                                 fit que la divinité

in pulcherrimam filiam aspexit,                                                                                   jeta son regard sur la plus belle enfant,

sicut aquila in solem                                                                                                        tel un aigle dirige

oculum suum ponit :                                                                                                       son regard vers le soleil,

Cum supernus Pater claritatem Virginis adtendit                                                    Lorsque le Père céleste vit la vierge radieuse

ubi Verbum suum                                                                                                          en qui il souhaita

in ipsa incarnari voluit.                                                                                                   Que sa parole soit incarnée.

Nam in mistico misterio Dei,                                                                                        Car dans le secret mystère de Dieu,

illustrata mente Virginis,                                                                                                lorsque l’esprit de la vierge fut illuminé,

mirabiliter clarus flos                                                                                                      sortit miraculeusement une fleur rayonnante

ex ipsa Virgine exivit :                                                                                                     de la vierge elle-même.

Cum supernus Pater claritatem Virginis adtendit                                                      Lorsque le Père céleste vit la vierge radieuse

ubi Verbum suum                                                                                                           en qui il souhaita

in ipsa incarnari voluit                                                                                                    que sa parole soit incarnée

Gloria Patri et Filio                                                                                                         Gloire au Père et au Fils

et Spiritui sancto,                                                                                                            Et au Saint-Esprit

sicut erat in principio.                                                 tel qu’il fut au commencement.                                                                                                                                

Cum surpernus Pater claritatem Virginis adtentit                                                  Lorsque le Père célest vit la vierge radieuse

ubi Verbum suum                                                                                                          en qui il souhaita

in ipsa incarnari voluit.                                                                                                   Que sa parole soit incarnée.

 

 Communauté ecclésiastique

15O choruscans stellarum Hildegard Von Bingen****

Antiphon                                                                                                                            Antiphone

O choruscans lux stellarum,                                                                                          O lumière des astres,

o splendissima specialis forma                                                                                     O forme exquise, la plus éblouissante

regalium nuptiarum,                                                                                                       d’un mariage royal,

o fulgens gemma :                                                                                                          O pierre scintillante :

tu es ornata in alta persona                                                                                          tu es parée comme une noble dame

que non habet maculatam rugam.                                                                             Sans rides et sans défaut.

Tu es etiam socia angelorum                                                                                        Des anges tu es la soeur

et civis sanctorum.                                                                                                         Tu vis en compagnie avec les saints.

Fuge, fuge speluncam                                                                                                     Fuis, o fuis la caverne

antiqui perditoris,                                                                                                          du vieux malfaiteur

et veniens veni in palatium regis.                                                                               Et viens, o viens dans le palais du Roi.

 

16 O noblissima viriditasHildegard Von Bingen*****

Responsorium                                                                                                 Répons (de la Vierge)

O nobilissima viriditas, quar radicas in sole,                                             Noble verdure, qui pris racine dans le soleil

et quae in candida serenitate luces in rota.                                              Et qui rayonnes d’un éclar sans taches dans le cercle

Quam nulla terrena excellentia                                                                    que n’inclu aucune puissance

comprehendit,                                                                                                d’ici-bas.

tu circumdata es                                                                                               Tu es entourée, embrassée,

amplexibus divinorum mysteriorum.                                                          Par l’étreinte des mystères divins.

Tu rubes ut aurora                                                                                           Tu brilles rougeoyante, telle la lumière du matin,

et ardes ut solis flamma.                                                                                 Ardente, comme le feu du soleil.

Tu circumdata es                                                                                             Tu es entourée, embrassée

amplexibus divinorum mysteriorum.                                                          Par l’étreinte des mystères divins.

 

            Née en Allemagne en 1098, Hildegarde de Bingen entra à quatorze ans chez les bénédictines, avant de devenir abbesse dès 1136. Désireuse de réformer les pratiques de son ordre, elle créa une nouvelle communauté à Rupertsberg, près de Bingen, dont elle fut officiellement nommée abbesse en 1163.

            Elle était particulièrement célèbre pour les visions qu’elle avait depuis l’enfance (même si on les attribue parfois aujourd’hui à sa nature épileptique), source de sa production musicale et littéraire. Les compositions d’Hildegarde comprennent soixante-dix œuvres vocales (dont quarante-trois antiennes), souvent collectivement intitulées Symphonia Armonie Celestium Revelationum (une antienne est un chant qui « répond » au psaume de l’office divin, souvent à la manière d’un refrain chanté entre les versets du psaume). Même si Hildegarde composa probablement ses antiennes avec certaines fêtes religieuses à l’esprit, il est presque impossible aujourd’hui d’attribuer chacune d’entre elles à une occasion particulière.

            Parmi les divers enregistrements disponibles, celui de Sequentia est particulièrement remarquable. Ce groupe spécialiste de la musique médiévale s’est intéressé à plusieurs reprises à la musique d’Hildegarde (et a produit quatre autres CD). A la beauté de voix raffinées et pourtant naturelles s’ajoute celle des instruments d’époque. Cet enregistrement comprend huit antiennes d’Hildegarde, dont O Virga Mediatrix, accompagnée à la harpe, et Cum processit factura, soutenu par deux violons. En résulte une atmosphère superbement mystique.

                                   Naomi Matsumoto, Les 1001 œuvres classiques qu’il faut avoir écoutées dans sa vie.

            Le disque qui a révélé la musique de l’abbesse allemande au grand public : les fameux Chants de l’extase de l’ensemble Sequentia. La « Sibylle du Rhin », tour à tour prophète, écrivain, érudite, guérisseuse et musicienne, composa une œuvre singulière et mystérieuse. Parcourue de figures étranges, la musique de Bingen est, avec les voix planantes des Sequentia (notamment le timbre magique de Barbara Thornton), une bien belle consolation. L’instrumentation se fait discrète et n’est là que pour renforcer le mystère de ces mélodies célestes. Une révélation et un succès mérité.

                                                           Le guide classique la discothéque idéale en 250 cd, Fnac.

            Cet album pas comme les autres nous fait pénétrer dans les lointaines origines de la musique occidentale, et tout spécialement dans ses racines religieuses. Un pur diamant que l’on doit à l’Ensemble Sequentia, une formation vocale féminine fondée par Elisabeth Thornton qui explore la musique médiévale et qui s’attache ici à faire revivre les œuvres de Hildegard von Bingen, une religieuse et compositrice du XIIe siècle. Rarement des voix humaines ont semblé autant en communion avec quelque chose d’un peu abstrait qui pourrait s’appeler… le ciel.

                                                           La discothèque idéale fnac (823 albums), Fnac.

            Neuf cent ans se sont écoulés depuis la naissance d’Hildegarde von Bingen, la « Sibylle du Rhin ». Figure charismatique que notre époque a redécouverte, Hildegarde von Bingen fut une « moderne » avant l’heure : compositeur, visionnaire, guérisseuse, théologienne, poète, scientifique, voyageuse et infatigable oratrice. Prosélyte acharnée, elle dicta ses visions, imposa ses sermons à des milliers de fidèles, invectiva les princes comme les rois. L’ensemble Sequentia est à l’origine du plus célèbre enregistrement consacré à Hildegarde von Bingen : les Chants de l’Extase, dominés par la voix magique de Barbara Thornton. Ces pièces proviennent du manuscrit de Wiesbaden, écrit par Hildegarde dans son scriptorium à Rupertsberg ; elles évoquent notamment Marie, l’Esprit, et la communauté ecclésiastique où vivait la religieuse. Les Anglo-Saxons de Séquentia livrent une interprétation ardente et subtile.

                                                                                        La discothèque économique classique, Classica.