Immortel grégorien (4,52/5)

01Te Deum Anonyme****

Avent

02Ad te levavi animam meamAnonyme ****
03
Alma Redemptoris Mater
Anonyme ****
04
Ave Maria
Anonyme
 ****
05
Rorate caeli
Anonyme ****

Noël

06Début des vêpres de NoëlAnonyme*****
07
Hodie Christus natus est
Anonyme ****

Epiphanie

08Procession d’entréeAnonyme*****
09
Ecce advenit dominator Dominus
Anonyme*****
10
Alleluia justus germinabit
Anonyme
*****
11
Jubilate Deo
Anonyme*****
12 
Ave Regina Caelorum
Anonyme
 ****

Quinquagesime

13 Exsurge DomineAnonyme*****

Carême

14Attende DomineAnonyme****

Rameaux

15Pueri HebraeorumAnonyme****

Jeudi Saint

16Christus factus est Anonyme*****
17 
Jeudi Saint-Mandatum
Anonyme ****

Vendredi Saint

18Tenebrae factae suntAnonyme****

Samedi Saint

19O vos omnesAnonyme****

 Veillée pascale

20Sicut cervusAnonyme****

Pâques

01Alleluia et séquences de PâquesAnonyme*****
02
Ad regias Agni dapes
Anonyme ****
03
Regina caeli Anonyme
*****
04
Jubilate DeoAnonyme
*****

Pentecôte

05Spiritus DominiAnonyme*****
06
Alleluia, Veni Sancte Spiritus
Anonyme*****

Fête Dieu

07Christus factus estAnonyme*****
08 
O Sacrum Convivium et Magnificat
Anonyme*****

Vierge Marie

09Salve, sancta parensAnonyme****
10Virgo prudentissimaAnonyme****
11RecordareAnonyme****
12Ave MariaAnonyme****

Confesseurs

13Iste confessorAnonyme*****

Dédicae

14Terribilis est locus isteAnonyme*****

Toussaint

15Placare Christe servulisAnonyme*****

 Défunts

16
Regem, cui omnia vivunt
Anonyme*****
17Absolve, DomineAnonyme*****
18Libera me, Domine Anonyme*****
19
In paradisium
Anonyme*****
20
Salve Regina
Anonyme ****

 

            Immortel grégorien ! Innombrable grégorien faudrait-il dire aussi. En tous temps et en tous lieux, depuis que l’Église existe, c’est vingt siècles de prière, de musique et d’amour dont il faudrait parler.

            Car, dire « le grégorien » ce n’est pas désigner un chant particulier à une église ou à une région, autant dire un folklore, c’est parler de la prière faite musique depuis qu’existe la prière : c’est parler d’un vivant qui se transforme et qui se multiplie en se différenciant comme un cépage de vigne prend le goût du terroir où on l’a transplanté pour devenir un « cru ».

            Ce disque, qui ne peut prétendre embrasser un si vaste horizon, voudrait tout de même être un voyage aux meilleurs « crus » grégoriens – oserait-on dire – une dégustation de ses différents parfums aux innombrables pays de la prière chantée.

            Ce disque voudrait aussi faire saisir la différence entre une mélodie antique qui se suffit à elle-même dans sa pureté, portée par le rude unisson d’un choeur de moines (St Wandrille), et les broderies d’un âge plus récent que les mœurs du temps ont naturellement tissées à une polyphonie flamboyante (Montserrat). On voudrait faire sentir comment de Hatker à Dom Pothier, la création grégorienne est ininterrompue et qu’il est peut être illusoire de parler d’un âge d’or du chant grégorien si l’on veut bien comparer objectivement la grâce d’un alleluia pascal et la tendre fraîcheur d’un Ave Maria composé au 19e siècle pour la fête du 8 décembre.

            Faux également de parler d’orthodoxie dans l’interprétation. Comment et de quel droit, donner la palme à la délicatesse d’un alleluia chanté par Chanterelle Lanza del Vasto (alleluia Justus) plutôt qu’aux extraordinaires cantilènes de Dijon qui font « chanter les murs » comme les hautbois d’un orchestre, à l’envol viril et souple des moines d’En-Calcat plutôt qu’à la savoureuse éructation de ceux de Montserrat ; au chant de soliste accompagné (Dom de Malherbe) plutôt qu’à l’austère rigueur des choeurs solesmiens de Ligugé ou Kergonan, par exemple.

            De quel droit dogmatiser dans un domaine où la musique nous est donnée sans mode d’emploi afin que chacun l’a serve avec le meilleur de soi-même ?

            Source d’inspiration permanente, le chant grégorien n’est pas un en-soi ; il devrait être, il a été, il est peut être encore le ferment d’une contemplation, d’où l’on tirera toujours des nova et vetera pour le meilleur et, bien sûr aussi … pour le pire !

            On peut aimer ou ne pas aimer, c’est tout ce que l’on peut dire : mais personne n’a le droit de priver quelqu’un d’une prière où il se retrouve et qui joint ses deux éléments inouis d’être de tous les temps en restant d’aujourd’hui et bien à soi.

                                                                A. Rivière, M. Robreau, carton original LP.

01Te Deum Anonyme****

            Hymne d’action de grâces chantée aux matines des dimanches dans la liturgie monastique. La structure de cette hymne du Ve siècle est très semblable à celle des nouvelles prières eucharistiques que nous utilisons dans la liturgie. Un premier développement lyrique exprime au Père la louange de toute la création. La seconde partie d’adresse au Christ. Suit une prière d’intercession qui semble avoir été ajoutée plus tardivement et qui n’est évidemment plus de caractère hymnique.

Avent

02Ad te levavi animam meamAnonyme****

             Premier dimanche, premier jour de l’année liturgique. Le peuple chrétien part avec confiance à la rencontre du Seigneur qui vient. La psalmodie du verset « Vias tuas » prend l’allure d’une véritable mise en route.

03Alma Redemptoris MaterAnonyme****

             Les quatre antiennes mariales qui chantent dans nos mémoires terminent l’office des Complies. Comme un bouquet de fleurs des champs, les trois permières sont chantées sur ces disques par la chorale de l’Institut St Grégoire de Lyon. Nous les retrouverons dans leur temps liturgique. La quatrième, le célèbre Salve de la Trappe terminera l’ensemble de ce « voyage dans l’année grégorienne ».

04Ave MariaAnonyme****

        C’est un salut enveloppé de vénération profonde. C’est celui de l’Ange et, groupé en un seul texte, celui d’Elisabeth. C’est le message de Dieu à Notre Dame, c’est le Fiat de Marie. C’est l’Église, épouse, vierge et servante ; c’est – dans le Corps Mystique – l’âme virginale, terre bénie, dépouillée, en qui va naître le Sauveur.

05Rorate caeliAnonyme****

           Mélodie très connue du temps de l’Avent, pour solistes et choeurs. Elle traduit admirablement les sentiments de l’avant-Nöel : attente, espérance. « Nous vons péché, nous sommes tombés comme la feuille… », mais « envoyez Qui vous devez envoyer ».

            Puis c’est la promesse de pardon et de paix : « Console toi mon peuple ». Tout le choeur reprend une dernière fois cette supplication Rorate… « O Cieux, versez d’en haut votre rosée et que les nuées fassent pleuvoir le Juste ».

Noël

06Début des vêpres de NoëlAnonyme*****

            En polyphonie, admirablement rendu, le deus in adjutorium de Victoria, Grandeur dans la simple déclamation ! Puis voici la première antienne : tecum principium, suivie du psaume 109, dixit dominus, à la déclamation d’une souplesse insaisissable et que rejoint alternativement la polyphonie de Mitterer. C’est maintenant le timbre si populaire de l’apud dominum et le psaume de profundis qui appellent les mêmes appréciations.

07

Hodie Christus natus est 

Antienne du Magnificat des 2e vêpres de Noël

Anonyme****

Epiphanie

08Procession d’entréeAnonyme*****

           Le carillon de fête sonne dans la Tour de Saint-Nicolas, peu à peu émergent les voix des moines et des moniales alternant les strophes de l’hymne de l’Epiphanie Hostis herodes impie dont nous entendons les trois derniers versets. Sur un thème majestueux du 3e mode, ce chant évoque la triple manifestation du Christ, qui fait le sujet de l’office de la fête : manifestation aux mages par l’Etoile, à Jean qui le baptise dans le Jourdain, à Cana où il change l’eau en vin, inaugurant sa vie publique. Précédés des acolytes portant des flambeaux, entrent dans l’église : les moniales en long voile blanc, les moines en coules blanches, enfin l’Abbé entouré de ses assistants.

09 Ecce advenit dominator DominusAnonyme*****

             Les voix d’hommes, puis la voix de femmes chantent alors l’introit, chef-d’oeuvre d’acclamation triomphale au rythme marqué d’une mélodie très simle du 2e mode.

10Alleluia justus germinabitAnonyme*****

            Bouffée d’encens et de lis. Chanterelle l’entonne comme une chanson de troubadour afin qu’éclate le caractère commun et l’origine orientale de cette musique.

11Jubilate DeoAnonyme*****

           Voici une pièce maîtresse, célèbre entre toutes. Chantée également au 4e dimanche après Pâques (vous la retrouverez plus loin chantée par Magdalith), elle a au Temps pascal la même résonnance glorieuse. Elle est de ces chefs-d’œuvre où la musique fait éclater le cadre étroit des mots, pour tenter d’exprimer l’inexprimable.

            La première phrase commence avec une gravité solennelle. Mais aussitôt le mot jubilate est repris, puis roulé, emporté par la vague immense d’une incroyable  vocalise qui s’enfle irrésistiblement jusqu’au moment où elle semble déferler et se briser en mille éclats étincelants. Puis le calme se fait, pendant lequel on entend chanter un appel : « dites un psaume à son nom ». Mais bientôt l’océan se soulève de nouveau et c’est l’explosion jubilante : venite et audite, qui convie toute la terre à écouter la nouvelle dont le jour de Pâques nous avait déjà fait entendre le message exaltant : « Quel prodige le Seigneur a fait pour son Christ » : il l’a ressuscité d’entre les morts, alleluia.

12 Ave Regina CaelorumAnonyme****

Quinquagesime

13 Exsurge DomineAnonyme*****

Carême

14Attende DomineAnonyme****

         Chantée durant le Temps du Carême, cette hymne est l’imploration même. Le croyant, à genoux devant son Seigneur, demande pardon pour ses pêchés. Curieusement, la mélodie appartient au 5e mode, le mode de l’allégresse et de l’exultation. Mais ce mode est exploité ici dans tout ce qu’il peut avoir de suppliant.

Rameaux

15Pueri HebraeorumAnonyme****

            La procession des rameaux rappelle l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. Pour nous, c’est le triomphe du Fils de Dieu, acclamé par l’Église.

            La bénédiction des rameaux, fort simplifiée par la réforme liturgique de la Semaine Sainte pour revaloriser la procession, ne comporte plus qu’une simple oraison que le célébrant adapte au genre des rameaux qu’il a devant lui. Puis la distribution se fait au chant de l’antienne pueri hebraeorum accompagnée du psaume 23.

Jeudi Saint

16Christus factus est Anonyme*****

            L’une des pièces les plus saisissantes de la liturgie de la Semaine Sainte : pour nous, le Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort… sur la croix. Le contraste est frappant entre la sévérité du répons et l’exaltation presque joyeuse du verset, symboles évidents de l’humiliation consentie et du triomphe de la Croix qu’achèvent de mettre en relief les mélismes si purs qui ornent les mots illum et le dedit illi nomen : C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui surpasse tous les autres.

17 Jeudi Saint-MandatumAnonyme****

         En souvenir du geste de Jésus, le célébrant lave les pieds de douze personnes, hommes ou femmes, il s’agenouille devant chacun pour accomplir le rite prescrit par le Seigneur. Pendant la cérémonie on chante les antiennes qui en rappellent le sens profond (l’hymne très connu ubi caritas termine la cérémonie).

Vendredi Saint

18Tenebrae factae suntAnonyme****

            Ce répons est sans doute le plus caractéristique comme puissance d’émotion : il constitue un commentaire poignant du récit, si sobre dans les textes évangéliques, de l’agonie et de la mort de Jésus sur la croix.

Samedi Saint

19O vos omnesAnonyme****

 Veillée pascale

20Sicut cervusAnonyme****

Pâques

01Alleluia et séquences de PâquesAnonyme*****

             Notez l’allègre envolée sur l’accent du mot « immolatus ». L’art grégorien est coutumier de ces mouvements « d’inverses » du son avec le sens, afin de donner un sens second (ici celui de la résurrection) à la parole.

02Ad regias Agni dapesAnonyme****

            « Quelle que soit la façon d’envisager la rythmique de ces lignes si pures, on ne peut se défendre d’une grande émotion devant cette réalisation qui projette par la musique tout un monde de richesses spirituelles ».

03Regina caeli Anonyme*****
04Jubilate DeoAnonyme*****

Pentecôte

05Spiritus DominiAnonyme*****

            Cinquantaine sacrée qui marque un terme et sert de tremplin, achèvement de la Pâque, tremplin de la grâce divine qui va partir à l’assaut des continents et des siècles, depuis vingt siècles,  le monde vit « après la Pentecôte ».

            Toutes les cloches de la cathédrale de Rennes sonnent, les enfants des écoles Ward, dont les plus jeunes ont 6 ans, entrent en procession, chantant le répons bref : « Spiritus Domini ». « On reste frappés, écrivions-nous à l’époque, par cette application qui donne comme une impression de confiance en ceux qui demain assureront l’Office divin dans la continuité de la tradition grégorienne… »

06Alleluia, Veni Sancte SpiritusAnonyme*****

Fête Dieu

07Christus factus estAnonyme*****

          Leitmotiv des trois jours saints chantés sur le disque précédent au Jeudi Saint par Jean-François Samson. C’est à dessein que nous avons repris ici pour la Fête-Dieu la version très solesmienne des moines de Kergonan afin de vous permettre d’entendre et comparer deux exécutions très différentes de cet admirable chef-d’œuvre.

08 O Sacrum Convivium et MagnificatAnonyme*****

            L’antienne o sacrum encadre ici le Magnificat en une merveilleuse prière de méditation. Plus connue peut-être à cause des polyphonies nombreuses qui  l’ont popularisée, comment ne pas en faire comme un complément du graduel christus factus est que nous venons d’entendre.

            Les Magnificats que Victoria publia en 1576 se présentent comme une suite de versets où la psalmodie grégorienne alterne avec la polyphonie. Le sentiment d’unité ressenti à l’audition résulte de ce que Victoria prit pour thème de chacun de ses chœurs le ton grégorien.

Vierge Marie

09Salve, sancta parensAnonyme****
10Virgo prudentissimaAnonyme****
11RecordareAnonyme****
12Ave MariaAnonyme****

Confesseurs

13Iste confessorAnonyme*****

            Le timbre de cet iste confessor a été noté tel qu’il se chante encore en certains villages français. On en a soigneusement gardé le rythme qui lui donne un caractère de chant de procession. En fait, il a été chanté par les choristes marchant en procession et divisés en deux groupes.

Dédicae

14Terribilis est locus isteAnonyme*****

Toussaint

15Placare Christe servulisAnonyme*****

            L’hymne « placare », une des plus belles mélodies grégoriennes, est un chant consacré à célébrer la variété et la multiplicité de la « société des saints », l’incomparable Vierge Marie, les légions innombrables des anges, les douze apôtres, les martyrs teints encore du sang qu’ils ont répandu, les pasteurs fidèles et les saints pénitents.

            Voix d’enfants, voix d’adultes, voix des orgues nous font communier à leur manière à la beauté de ce cortège.

 Défunts

16Regem, cui omnia vivuntAnonyme*****

            La lente procession pénètre d’abord dans l’église au son calme du glas. L’Office proprement dit commence alors par l’invitatoire : « regem cui omnia vivunt » où l’on acclame le Roi de la vie sur un 6e mode plein de confiance. On admirera la grâce incomparable du récitatif, dont la souple ligne flexible parvient à produire un tel enchantement par le seul jeu de quelques intervalles. Ensuite le choeur « s’installe » au sens propre du terme pour la longue veillée de psaumes, de lectures et de chants où l’âme chrétienne s’élève vers Dieu dans la contemplation paisible de la mort. Le répons « credo quod redemptor » qui commente la lecture de Job est un cri de défi au néant.

17Absolve, DomineAnonyme*****
18Libera me, Domine Anonyme*****

             La messe se termine par l’absoute que le bourdon sonné à la volée semble accompagner cette fois-ci d’un au revoir plein d’espérance et qui tempère en quelque sorte le texte redoutable « Délivrez-nous, Seigneur, de la mort éternelle ».

19In paradisiumAnonyme*****
20Salve ReginaAnonyme****

             Pièce justement célèbre. A coup sûr une des plus belles du répertoire grégorien. Particulièrement émouvante lorsqu’on écoute dans l’ambiance recueillie d’une église cistercienne. C’est la fin de la journée, l’office des complies s’achève. Tous les moines se sont assemblés pour ce dernier chant en l’honneur de Notre-Dame ; l’église est dans l’obscurité, seule, la statue de la Vierge qui domine le maître autel est illuminée.

           Huysman a noté en des pages devenues classiques l’impression que fit sur lui, l’audition du Salve Regina. On retrouve gravés dans la cire, l’émotion, la ferveur, l’élan, la tendresse, le respect qui caractérisent cette prière…

                                                                                   Simone et Maurice ROBREAU, Janvier 1973.

            Le chant grégorien doit son appellation au Pape Grégoire Premier, dit Grégoire le Grand, qui n’a cependant rien écrit du répertoire qui porte son nom. Lorsqu’à la fin du VIe siècle, le grand Pape propose le latin comme langue officielle, les chants « des heures du jour et de la nuit », sont regroupés dans un recueil (l’Antiphonaire) et cela pour chaque jour de l’année. Pour en assurer la diffusion, il développe à Rome une école : la Schola Cantorum, dans laquelle les clercs vont s’initier à la connaissance du chant grégorien avant de le propager à travers la chrétienté. Ainsi, tous les chrétiens d’Orient et d’Occident célèbrent, ensemble, la même fête, dans une liturgie, une langue et une musique communes. Sa facilité d’exécution permet à l’office d’être célébré par tous les fidèles.

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