Barry Lyndon (1975) : 20/20
Il s’agit tout simplement du meilleur film historique sur la période du XVIIIème siècle, période chère à Stanley Kubrick qui réalise ce film à la suite de la non concrétisation de la réalisation de Napoléon, qu’il avait très longuement préparé. Il n’empêche que son immense travail, le repérage des décors, des paysages, la reconstitution des costumes, des lieux d’habitation est d’une grande méticulosité. La reconstitution du XVIIIème siècle en Irlande, en Prusse et en Angleterre est incroyable. De par son travail, sa culture, Kubrick nous offre des « tableaux » de cette période, avec sa mise en scène empreinte de perfection, l’utilisation toujours judicieuse de musique classique. Il n’y a pas d’excès de mouvements de caméra comme certains reprochent parfois au réalisateur. Là il s’agit vraiment d’une peinture du XVIIIème siècle. L’effeuillage avec sa cousine, la partie de carte où Barry rencontre Lady Lyndon, scène entièrement éclairée à la bougie, la demande de pardon de Barry lorsque Lady Lyndon prend son bain, les scènes de duel, le moment où Lord Dillington demande réparation à un Barry avachi, sont toutes des scènes inoubliables.
Le film se compose en deux parties, la jeunesse et l’ascension du jeune Barry, lorsqu’il quitte son Irlande natale pour s’engager dans l’armée anglaise puis dans l’armée prussienne, jusqu’à sa carrière de tricheur aux cartes et sa rencontre avec Lady Lyndon. Puis la seconde partie sur le mariage avec Lady Lyndon ainsi que sa chute. Nous nous intéressons aux aventures du jeune Lyndon avec intérêt grâce à la diversité et aux dénouements des différentes situations. Le fait d’être démasqué comme déserteur en plein banquet rappelle la scène d’Eyes Wide Shut où on peut ressentir le même malaise. Barry joue la carte de la supercherie en retenant les leçons de sa cousine, du capitaine anglais qui l’épouse et qui se fait passer pour mort lors de leur duel, des deux voleurs qui le détrousse dès qu’il quitte le foyer. Ses premières tentatives échouent auprès du capitaine prussien mais c’est néanmoins son don de jouer la comédie qui vont lui permettre de se faire engager pour espionner un chevalier soupçonné de duperie et d’espionnage. L’héroïsme de Barry qui sauva le capitaine prussien d’une mort certaine n’est que secondaire. Pourtant Barry jouera franc jeu avec le chevalier en entamera sa nouvelle vie.
La seconde partie qui commence par le mariage de Barry et Lady Lyndon nous désintéresse de Barry (qui est un mufle terrible) au profit de Lady Lyndon, magnifiquement interprétée par Marisa Berenson. Sa beauté froide, empreinte de mélancolie, qui se réveille uniquement lors de sa rencontre avec Barry est inoubliable. Délaissée, trompée, méprisée malgré son comportement admirable, son air triste ne peut provoquer que du respect pour Lady Lyndon. Et cela ne touche pas uniquement le spectateur mais Barry lui-même qui s’en rend compte et se repent auprès d’elle lors d’une scène admirable quand elle prend son bain. Barry pourtant la méprisait, peut être du fait qu’il a réussi si facilement à la séduire et qu’elle lui servait de moyen à son ascension sociale. Stanley Kubrick, qui jusqu’à présent ne mettait pas forcément en valeur les personnages féminins (L’Ultime Razzia ou Lolita) donne un des plus beaux personnages féminins de l’histoire du cinéma. Lady Lyndon est inoubliable. La dernière scène où elle signe des chèques et voit le nom de Barry, le regard qui en suit et celui de son fils aîné qui l’observe, est superbe. Surtout que le chèque est datée de 1789, une année où tout basculera. Stanley Kubrick, américain né à New York a réalisé le meilleur film de l’Europe du XVIIIème siècle.