Orange mécanique – Stanley Kubrick (1971)

Orange mécanique (1971) : 20/20

Œuvre majeure de Stanley Kubrick, créant un univers parallèle, presque futuriste où règne l’étrange, la violence, tout ça baignant dans la musique classique. Il y a trois parties distinctes dans le film. La première est une présentation de la vie d’Alex accompagnés  de ses sbires. La vie d’avant où la violence, les viols puis le meurtre sont ses occupations. Pendant 45 minutes Kubrick impose un rythme haletant où se succèdent tous les pires méfaits. Les trois premières séquences commencent exactement de la même façon. Gros plan sur Alex dans le bar avec travelling arrière pour voir le décor, gros plan sur le clochard puis travelling arrière pour découvrir Alex et ses compagnons avançant sous le pont, puis gros plan sur le décor de théâtre avant le travelling arrière montrant la bande rivale essayant de violer une femme. Tout cela accompagné de musique classique parfaitement choisi par Kubrick pour orchestrer sa mise en scène. L’allure des drougies d’Alex et la bataille avec la bande rivale fait immédiatement à la première partie de 2001, l’odyssée de l’espace avec les anthropoïdes. D’autres clins d’oeils à 2001 seront visibles avec la plaque d’immatriculation de la voiture commençant par DAV et la pochette de 2001 chez le disquaire. Ces 45 premières minutes sont une leçon de mise en scène, montage rapide synchronisé avec la musique (meurtre de la femme au chat par exemple, la scène accélérée des ébats d’Alex, le trip d’Alex dans sa chambre en écoutant la 9e symphonie de Beethoven, son serpent caressant la femme nue sur son mur), décors parfaitement choisis et inoubliables, travellings impressionnants comme l’arrivée d’Alex chez le disquaire. N’oublions pas cette séquence absolument incroyable d’Alex sur les quais punissant ces hommes avec une image au ralenti et parfaitement stylisée. Lors de l’arrestation d’Alex, nous reprenons notre souffle tellement le rythme et la mise en scène est intense.

La seconde partie, le séjour en prison d’Alex et son traitement chez Ludovico est beaucoup plus calme. Kubrick n’a pas perdu son humour avec le comportement du gardien très procédural qui fait penser un peu au sergent instructeur dans Full Metal Jacket par la suite. Cette partie ne souffre pas de longueur malgré le changement de rythme par rapport à la première partie, toutes les séquences sont importantes et la musique classique choisie par le réalisateur est toujours de circonstance. Le ton ironique et cynique de Kubrick est encore là quand il fait entourer Alex à la présentation de son traitement du ministre de l’Intérieur et du prêtre. Chacun veulent l’utiliser à ses propres fins, le plan de leurs mains prenant de chaque côté une épaule d’Alex est explicite.

La troisième partie, la nouvelle vie d’Alex, est particulièrement intéressante. Après son renvoi du domicile familial, le regard perdu d’Alex en direction d’un pont et de l’eau montre déjà son désir d’en finir avec la vie. Ce qui prouve d’entrée l’échec du traitement Ludovico, Alex ne pouvant lutter contre sa nature profonde. Mais cela ne peut pas être aussi facile pour lui, il faut que toutes ses anciennes victimes se vengent de ce qu’il a fait. La violence de ce monde le rattrape donc. Là encore, ce qui fait la particularité des personnages de Kubrick, c’est que la malgré leur monstruosité, leurs actions révoltantes, on arrive à avoir de la compassion pour eux. Hal dans 2001, Humbert dans Lolita, Alex dans Orange MécaniqueOrange mécanique est un film clé pour Kubrick, un point de référence pour Shining (le plan de la machine à écrire, les plans sur Alex en transe), Full Metal Jacket (le sergent et le traitement de Dim/Baleine), Eyes Wide Shut (la femme dénudée dans cette étrange présentation du traitement Ludovico). C’est un film qui marqua considérablement son époque et comme souvent avec les films de Kubrick, d’actualité.