Al Jolson – The Jazz Singer (1928)

Al Jolson – The Jazz Singer (1928) : 3,82/5

 

Premier film parlant, première comédie musicale qui en entraînera beaucoup d’autres dans l’histoire du cinéma, ce succès est du à la qualité des chansons entraînantes comme « Toot, Toot, Tootsie, Goodbye » avec ses sifflements, « I’m Sitting On Top Of The World » et « Lizza Lee » avec sa guitare country ou mélodiques « The Spaniard That Blighted My Life », « There’s A Rainbow ‘Round My Shoulder », et surtout « Sonny Boy » et « Little Sunshine » dont on retient facilement les airs. Il y a également l’interprétation d’Al Jolson, figure importante de Broadway de ces années 20. 

1 Toot, Toot, Tootsie, Goodbye Ernie Erdman; Gus Kahn; Robert A. K. King; Ted Fio Rito *****
2 Blue Skies Irving Berlin ****
3 Mother Of Mine, I Still Have You Grant Clarke; Al Jolson; Louis Silvers ****
4 My Mammy Walter Donaldson; Sam M. Lewis; Joe Young ****
5 I’m In Seventh Heaven Lew Brown; Buddy DeSylva; Ray Henderson; Al Jolson ****
6 Let Me Sing And I’m Happy Irving Berlin ****
7 Looking At You Irving Berlin ****
8 It All Depends On You Lew Brown; Buddy DeSylva; Ray Henderson ****
9 I’m Sitting On Top Of The World Ray Henderson; Sam M. Lewis; Joe Young *****
10 The Spaniard That Blighted My Life Billy Merson *****
11 There’s A Rainbow ‘Round My Shoulder Dave Dreyer; Al Jolson; Billy Rose *****
12 Sonny Boy Lew Brown; Buddy DeSylva; Ray Henderson; Al Jolson *****
13 Back In Your Own Backyard Dave Dreyer; Al Jolson; Billy Rose ****
14 Liza Lee Bud Green; Sam H. Stept *****
15 Little Sunshine Archie Gottler; Joseph Meyer; Sidney Mitchell *****
16 About A Quarter To Nine Al Dubin; Harry Warren ****
17 Rock-A-Bye Your Baby With A Dixie Melody Sam M. Lewis; Jean Schwartz; Rida Johnson Young ****

On a beaucoup écrit sur Le chanteur de jazz, pour et contre, depuis sa sortie initiale le 6 octobre 1927 (ironiquement, le lendemain de la mort de Sam Warner). Pour être plus précis, ce n’était pas le premier film « parlant » jamais produit – Warner Brothers avait réalisé des dizaines de sujets courts utilisant un accompagnement sonore. Le son sur pellicule avait été mis au point par Lee De Forest huit ans auparavant et il avait produit près de 2000 films pour tenter de vendre son invention aux exploitants. Le Chanteur de Jazz n’avait même pas de dialogue, à l’exception de cette fameuse réplique de Coffee Dan’s à la foule : « Écoutez ! You ain’t heard nothin yet », et d’un autre court segment pendant le numéro de BLUE SKIES.

La star – Al Jolson – avait été le troisième choix après Eddie Cantor et George Jessel, et même Jolson avait été réticent à accepter le rôle, craignant que son image de star de la comédie musicale de Broadway en pâtisse.

Qu’est-ce qui a donc créé la sensation qui a fait du Chanteur de jazz le premier film « parlant » à succès commercial ? Le timing ! Le public cinéphile était prêt pour une histoire trop sentimentale – et la star – Al Jolson – sans aucun doute. M. Show Biz lui-même ! Une petite anecdote à propos du numéro de BLUE SKIES : un cadre de la Warner Brothers m’a raconté en 1961 que lorsqu’il mixait le son de cette production, Al Jolson n’était censé que chanter et jouer du piano. Soudain, au milieu de la chanson, il se tourne vers Eugenie Besserer (sa « mère ») et, tout en jouant du piano, commence à faire un monologue. Tout le monde est pris par surprise, surtout Eugénie, mais la caméra continue de tourner et l’équipement sonore d’enregistrer, et lorsque la copie finale est visionnée avec l’accompagnement sonore du phonographe, la synchronisation est si bonne qu’on décide de la laisser. En vérité, Al Jolson était le chanteur de jazz !

                                                                                              Alan Roberts – carton origine disque de 1974

 

« Wait a minute, Wait a minute ! I tell you, you ain’t heard nothin’ yet ! » Ces quelques mots proférés par Al Jolson au début du film sont symboliquement le démarrage d’une nouvelle ère à Hollywood : celle des talkies (les films parlants) qui, en quelques années, vont plonger dans la désuétude l’industrie du muet. Une histoire qui sera racontée avec humour en 1952 dans la comédie musicale Singin’ In The Rain, mais qui fut tragique pour de nombreuses stars soudain ringardisées par ce procédé révolutionnaire.

Quand Le Chanteur de jazz débarque sur les écrans, le cinéma muet est tellement bien installé que nul ne voit le parlant comme une évidence. Lorsque Sam Warner, fondateur du fameux studio, se lie avec la Western Electric Company pour utiliser le système Vitaphone, qui permet de synchroniser son et image, il sort d’abord un film « sonore », Don Juan (avec John Barrymore), dans lequel on n’entend pas de voix humaine mais des bruitages et un score, joué par le New York Philarmonic Orchestra. Tourné en 1926 et sorti aux Etats-Unis le 19 février 1927, le film est précédé d’une présentation parlée par William Hays, fameux censeur responsable de l’infâme code Hays, annonçant au public : « Welcome to a new era of motion picture » (« Bienvenue dans une nouvelle ère de cinéma »). Le 6 octobre de la même année est présenté à New York ce Chanteur de jazz, qui ne restera dans l’histoire du cinéma que grâce à son statut de « premier film parlant » et qui fut adapté d’un show de Broadway extrêmement populaire. Quand Jack Warner, le frère de Sam, voulut proposer à George Jessel, l’acteur de la comédie musicale, le rôle principal du film, ce dernier refusa tout net en répliquant : « Vous ne voulez quand même pas que je risque ma carrière avec cette folle invention ! » Al Jolson (Asa Yoelson de son vrai nom), né le 26 mai 1886 à Srednik (Russie), lui aussi star de Broadway, n’eut pas tant de scrupules et s’identifia au personnage de Jackie Rabinowitz, fils d’un rabbin et chanteur de synagogue tenté par le jazz qui devient une star sous le nom de Jack Robin. De plus, il fut intéressé aux bénéfices et toucha 25% des recettes colossales générées par ce film qui a marqué l’histoire.

Il n’y a pas de « bande originale » du Jazz Singer : le concept n’apparut pas avant les années 1950, quand le microsillon rendit possible l’écoute d’une durée substantielle de musique. On entend dans le film une série de chansons venues de divers horizons : « Blue Skies » d’Irving Berlin, le traditionnel chant juif « Kaddish », « Toot Toot Tootsie » de Dan Russo et Ernie Erdman et le fameux « My Mammy » de Walter Donadson, Sam Lewis, et Joe Young, chanson à jamais associée au nom d’Al Jolson. Ironie amère : Sam Warner, initiateur du film parlant, mourut la veille de la première d’une hémorragie cérébrale.

Il reste une polémique autour du Chanteur de jazz : le maquillage « nègre » d’Al Jolson considéré comme raciste. Un mauvais procès si on considère que ce type de maquillage blackface était une convention théâtrale commune qui fut utilisée sur scène par d’autres acteurs fameux tels que Bing Crosby, Fred Astaire, Eddie Cantor et même Doris Day.

La carrière d’Al Jolson se poursuivit en déclinant dans les années 1930, puis il revint sur le devant de la scène en 1946 grâce à une biographie filmée, The Jolson Story avec Larry Parks mimant les chansons d’Al, qui eut une suite en 1949, Jolson Sings Again. Mort le 23 Octobre 1950, le « roi de Broadway », n’a même pas on étoile sur les trottoirs d’Hollywood.

                                                                                              Olivier Cachin, 100 BO cultes.