Max Steiner – Gone With The Wind (1939)

Max Steiner – Gone With The Wind (1939) : 4,63/5

 

Autant en emporte le vent est bien sûr est un des plus grands films de l’histoire du cinéma, par la richesse de ses couleurs, ses interprètes, la mise en scène, la longueur du film et les moyens mis en oeuvre pour la réussite de cette adaptation. Qui d’autre que Max Steiner pour réaliser la musique du film. Et il faut dire que le thème principal du film (Main Title) est connu de tous les cinéphiles ou mélomanes dignes de ce nom. Pour ceux qui connaissent le film, la première partie montre la vie insouciante de Scarlett dans la riche propriété du Sud, avec des thèmes musicaux assez légers, empreints de sonorité sudiste (The O’Hara Family). Lorsque la guerre de Sécession arrive, les thèmes se font plus graves comme la rupture de ton entre le War Is Declared avec l’air sudiste et The Death Of Charles. Des moments inoubliables du film sont parfaitement accompagnés par la musique comme Escape From Atlanta, Twelve Oaks In Ruin / Scarlett Comes Home, I’ll Never Be Hungry Again qui conclut la première partie du film. Toute la seconde partie du film est composé de morceaux mélancoliques et dramatiques assez exceptionnels et d’une richesse incroyable (Battle Montage), chaque thème est différent à la différence souvent des musiques de film s’appuyant sur un thème principal. Max Steiner a fait un travail considérable.

 

01 Main Title (Gone With The Wind) Max Steiner *****
02 Tara Stephen Foster, Max Steiner ****
03 The O’Hara Family Stephen Foster, Max Steiner *****
04 Scarlett Prepares For The Barbecue Max Steiner ****
05 Twelve Oaks Stephen Foster, Max Steiner ****
06 The Barbecue Stephen Foster, Max Steiner ****
07 In The Library Max Steiner ****
08 War Is Declared / The Death Of Charles Stephen Foster, Max Steiner *****
09 At The Bazaar Max Steiner ****
10 Escape From Atlanta Max Steiner *****
11 Twelve Oaks In Ruin / Scarlett Comes Home Max Steiner *****
12 I’ll Never Be Hungry Again ! Max Steiner *****
13 Battle Montage Max Steiner *****
14 Frank Kennedy Asks For Suellen’s Hand Extended Version Max Steiner *****
15 Paddock Scene Louis Lambert, Max Steiner *****
16 The New Store Max Steiner ****
17 Scarlett In Shantytown Max Steiner *****
18 Belle Watling And Melanie Max Steiner ****
19 Twenty Inches ! Max Steiner *****
20 Melanie And Mammy Dr. Williams, Max Steiner *****
21 Scarlett In The Mist / Rhett Leaves Max Steiner *****
22 Flashback / Finale (Gone With The Wind) Max Steiner *****

 

               Il faudra sans doute attendre longtemps avant que l’écran cinématographique ne soit à nouveau le théâtre d’un spectacle de l’ampleur de Autant en emporte le vent. Il y a eu, bien sûr, de grands films avant et depuis, mais aucun n’a réussi à capter l’imagination du public d’une manière aussi complète – le film lui-même a toutes les chances de devenir un classique américain impérissable, prenant sa place dans notre culture à côté d’œuvres aussi distinctement autochtones que les écrits de Melville, les peintures de Grandma Moses.

                À l’heure où nous écrivons ces lignes, Autant en emporte le vent est au milieu de sa troisième tournée dans les théâtres du pays. Il est révélateur de sa grandeur que, bien qu’à ce jour il n’y ait pratiquement personne qui n’ait pas vu le film, il continue à faire salle comble – ceux qui l’ont vu la première fois y sont retournés pour une deuxième et une troisième fois afin de profiter de la romance et du drame particuliers qui en ont fait l’une des plus grandes histoires de notre époque. Le fait qu’il s’agisse du film qui a rapporté le plus de recettes dans l’histoire de l’industrie est maintenant incontestable – une popularité, en fait, due non seulement à la grande histoire et au scénario et à la pléiade de stars qui les interprètent, mais aussi à la partition musicale originale de Max Steiner dont l’effet unificateur peut être ressenti à chaque tournant.

               Steiner, sans conteste le plus honoré et le plus respecté des auteurs de musique de films, a écrit ici une partition d’une ampleur et d’une puissance énormes, une partition de turbulence dramatique et de douceur romantique, une partition pour laquelle il a été nommé aux Oscars. En vérité, Autant en emporte le vent ne serait pas le classique qu’il est sans la musique d’accompagnement de Steiner – une musique qui crée un milieu dans lequel les personnages sont définis avec plus de précision, les situations plus profondément dramatiques, l’effet de chute plus complètement stupéfiant.

            Écrire de la musique et écrire de la musique pour des films sont, bien sûr, deux choses très différentes – l’une est un déversement naturel et normal d’émotion et de talent, l’autre est strictement adaptée à des événements et des humeurs qui changent rapidement. Alors que tout musicien sérieux, dans des circonstances ordinaires, peut se sentir libre d’écrire sous l’influence et la direction de ses sentiments personnels, le compositeur de films doit sublimer ses propres sentiments à ceux des autres personnages qui constituent une partie importante de la production cinématographique. Ses propres émotions et talents sont, bien entendu, d’une importance capitale, mais la forme et le contenu de sa musique sont dictés par les exigences du scénario.

            Mais, comme dans toutes les branches de l’art, il y a des talents et des talents et, dans la musique de film, celui de Max Steiner est de tout premier ordre, un talent qu’il met également au service de ses arrangements et de sa direction d’orchestre. Et, dans cet enregistrement, tout son génie est présenté dans toute sa lucidité – même sans les escapades visuelles de Scarlet et Rhett, sa musique est des plus poignantes et dramatiques – dans son arrangement symphonique et sous sa baguette, elle vit pour nous via ce disque comme les personnages de l’histoire de Margaret Mitchell le font via le film.

                                                                               Bill Zeitung, carton original LP 1954.

 

               La bande originale d’Autant en emporte le vent est apparue sous de nombreuses formes depuis sa première sortie sur disque dans les années 1950. La réédition CBS/Sony de 1990 était la deuxième tentative d’élargir son contenu de manière significative, en ajoutant de la musique de scène et en affinant le son qui figurait sur les versions précédentes de MGM et Polydor. Autant dire que tout cela fonctionne si l’on tient compte de l’âge des matériaux concernés : Autant en emporte le vent est la plus ancienne bande originale qui ait un attrait commercial significatif au-delà d’un public culte et, ayant été enregistrée en 1939, elle ne s’est jamais vraiment adaptée au marché moderne. Les producteurs ont tenté de l’assainir à l’aide de divers filtres et autres traitements sonores, ce qui le rend généralement plus agréable à l’oreille. Aucun réenregistrement du « Tara’s Theme » ou d’autres éléments mémorables de la partition n’a jamais été aussi bien conduit que l’original (même lorsque le compositeur Max Steiner lui-même s’y est essayé dans les années 1950), et le son est moins rauque ici que sur les versions antérieures. La réédition Rhino de 1996 l’améliore encore, même s’il manquera toujours quelque chose à certaines des sources, en termes de fidélité moderne et de ce que les auditeurs contemporains attendent.

                                                                                       ***** Bruce Eder, All Music.

 

                  Fait-on plus culte qu’Autant en emporte le vent ? Le film de Victor Fleming, sorti en 1939 avec Clark Gable et Vivien Leigh, récolte huit Oscars, dont celui de meilleur film et meilleur réalisateur. Pour retranscrire au mieux la fresque sentimentale de Scarlett O’Hara (plus de quatre heures de film tout de même), Victor Fleming s’entoure du compositeur Max Steiner, déjà auteur du score de King Kong notamment, qui signe ici une partition pleine de cordes lyriques, grave et puissante. Outre le thème principal, les onzes personnages principaux ont chacun leur morceau dédié, tout comme Tara, le nom de la grande plantation de coton, véritable personnage en soi. A noter la présence de quelques voix diaphanes, éthérées, qui prodiguent à cette bande originale des allures d’intemporalité… Le film sera nommé pour l’Oscar de la meilleure musique de film, mais ne l’emportera pas, la statuette allant à Herbert Stothart et Harold Arlen pour Le Magicien d’Oz, un sacré concurrent.

                                                                                              La discothèque idéale vinyle, Fnac.

 

               Les premiers films parlants, au début des années 1930, n’étaient que très rarement accompagnés de musique : les producteurs avaient peur que le public se demande d’où venait la musique, tant il était habitué à voir les orchestres accompagner les films muets dans les salles de cinéma des années 1920. Max Steiner fut l’un des premiers musiciens à changer cette absurdité et à donner à la « musique de film », concept neuf, une réelle existence. A l’époque, la musique s’écoute sur des 78 tours d’une durée maximale de 6 minutes par face et les disques s’usent gravement après quelques écoutes.

               Né Maximilian Raoul Walter Steiner à Vienne le 10 mai 1888, ce génie précoce a écrit sa première opérette à l’âge de 14 ans, et a émigré pour l’Amérique en 1914. D’abord actif au théâtre, il a collaboré avec George Gershwin, Jerome Kern et Florenz Ziegfield avant d’être engagé par la RKO, où il innove avec Symphony Of Six Million en 1932 (un tiers du film est orchestré par de la musique symphonique), puis il compose un score révolutionnaire pour King Kong en 1933.

            Entre 1929 et 1936, il signe le score d’environ 70 films pour la RKO. Quand cette compagnie lui refuse une augmentation et la possibilité d’être « prêté » à d’autres studios, Max part chez David O. Selznick, producteur indépendant visionnaire et tyrannique, qui va lui confier la tâche titanesque d’écrire et d’orchestrer la musique de ce qui va devenir « the greatest screen epic of all times », Autant en emporte le vent, adapté d’un roman-fleuve écrit par Margaret Mitchell sur la fin d’un monde, celui de la société sudiste.

         Le score de Max Steiner pour ce chef-d’œuvre a été écrit une fois le film tourné et monté, car il préférait ne pas lire les scripts et attendre de voir les images pour se mettre au travail. « Si on fait une musique trop « décorative », déclara Steiner à l’écrivain Tony Thomas, on perd en émotions. Ma théorie, c’est que la musique doit être ressentie plutôt qu’entendue. Certains disent qu’un bon score est celui qui ne s’entend pas : « à quoi bon, si on ne le remarque pas ? » Un avis partagé par David O. Selznic, qui déclarait déjà quatre ans avant le tournage que « le bon choix de la musique sera un élément majeur pour le succès du film. Je ne vois pas de meilleur moyen de dépenser plusieurs milliers de dollars pour améliorer le film que d’avoir un score adéquat, et mon opinion est qu’il n’y a personne dans ce domaine qui arrive à la cheville de Max Steiner. »

          Emprunté à Warner Bros pour écrire la musique de Gone With The Wind, Steiner eut trois mois pour composer les thèmes du film, et travaillait simultanément sur la musique de deux autres longs-métrages, We Are Not Alone et Four Wives. Il dut travailler sous pression, car Selznic, qui portait le film sur ses épaules, s’immisçait dans le travail de chacun, révoquant acteurs et réalisateurs et bombardant Steiner et tous ses collaborateurs de mémos resté fameux (ils furent rassemblés dans un livre). Deux semaines avant la première, il demandait encore des changements à Steiner ! Au final, Steiner a composé plus de trois heures de musique somptueuse et symphonique, écrivant un thème pour chaque personnage et même pour Tara, la plantation du clan O’Hara, qui ouvre et clôture le film – un des plus majestueux thèmes jamais écrit pour un long-métrage. Autant en emporte le vent obtint dix oscars, écrasant la concurrence et notamment Le Magicien d’Oz qui remporta malgré tout celui de la meilleure musique originale.

                                                                               Olivier Cachin, Les 100 meilleurs BO.